Terre Fer Lumière
Le fer, la terre, et le papier s’étreignent en lumière. Ces trois récalcitrants sont des passeurs d’espace. Ils partagent en amitié les chemins de l’époque. Et dans l’irrémédiable solitude de la création, ils vivent ce qui réellement les rapproche, l’impossible union du vide et de la plénitude.
Alain Gaudebert, Alain Vuillemet, Philippe Cibille
Alain Vuillemet, sculpteur de métal
Autodidacte, libre et ouvert à (presque) tout, Alain Vuillemet, œuvre sans entrave. Il plie, défonce et soude des peaux de métal, sculpte des courbes et des pleins dans le vide, architecture l’espace de signaux et totems, œuvres puissantes et habitées. Démiurge, il transforme à vif sa matière de prédilection, l’acier inoxydable et froid, dur et quotidien, prodigieux miroir d’univers, qu’il transmue en une matière fluide, lumineuse et vibrante.
Alain Vuillemet, qui fut naguère le lauréat Artension du premier concours d’installation organisé par l’Arrivage, a le sens aigu de la communauté créatrice. Depuis des années, si de grandes expositions monographiques lui sont consacrées, mettre en partage vécu la création vivante, lui va comme un gant (de métal), et le zoom de l’Arrivage, avec ses amis céramiste et photographe, montre un trio d’amitié, magnifique et minuscule tribu accomplie et complémentaire, où les éléments premiers de l’imaginaire, du métal, de la terre et du fin papier, sont superbement sollicités.
Raclée par le temps, arrachée au dedans, et densifiée d’extrême exigence, l’œuvre haute d’Alain Vuillemet est à la fois contemporaine et sans âge. Elle n’évoque guère la profusion, la séduction, le narcissisme, et moins encore la poudre aux yeux. Elle ne craint ni le rustique, dur respect du décanté, ni le primitif, qui fait passage aux forces vives de l’univers. Chez lui, l’énergie érectile s’avance vers les hauteurs et partent à l’assaut des étoiles, quand des allures verticales, chargées d’élan, se dégagent de la pesanteur terrestre, et font territoire avec le ciel.
Philippe Cibille, le papier et la lumière des images
Le papier fragile parcourt le monde, les humains et les visages, les anonymes, les êtres de musique et de cirque, les tragiques et les drôleries inattendues. Dans un monde qui va trop vite, la photographie devient une mémoire implacable et vitale. Sans elle, pas de Land art, pas d’installations éphémères, et, surtout, pas de regards d’artistes sur la passante réalité vécue. Plus que tout autre forme d’art, la création photographique permet le partage…
Les différences, naguère constatées entre peinture et photographie, voire entre sculpture et photographie, n’existent plus. Du pur maître plasticien à la plus belle expressivité expressionniste, du portrait somptueux à la présence énigmatique, le registre plastique ouvert par les créateurs photographes est sans limite.
Philippe Cibille, maître en ironie visuelle, parcourt les chemins épars de la grande photographie, du portrait au spectacle vivant, du travail en studio à la pure création inventive. Sur fond profond d’humanité respectée, il a le sens aigu du décalage et de la transgression subtile des attendus visuels. Du tragique latent à l’humour surréalisant, infinies sont les passerelles au pays ouvert et démultiplié du fin papier.
Alain Gaudebert, ses terres profondes
De frontalité tendue, l’œuvre d’Alain Gaudebert est lourde d’épaisseur terrestre. Mais l’arc-en-ciel allusif et matiéré qu’il installe sur les surfaces offre des allures de légèreté, voire d’apesanteur, qui métamorphosent la terre archaïque en un talisman d’âme subtil, compact et précieux.
Le bloc aux faces tranchées, à l’origine brutale, absorbe les couleurs sourdes du dehors, et les renvoie en lumières d’aveugles façades. Mais peut-être que, venues du dedans, suintantes et respirantes, des chromatiques élémentaires adoucissent la rudesse première. En sueur d’univers déposée sur l’intime du visible, tandis que des traces organiques sensualisent avec gravité ces belles apparences minérales. Comme des veines de pierre. Comme des orgues de chair…
Au cœur de ces îles d’art qui incantent l’étendue, l’accompli de la terre travaillée invente une langue native dense et lourde comme une implacable mémoire, quand le sol intact parle une langue oubliée des hommes.
Alain Gaudebert, maître du feu, fait sa demeure des chants durcis du monde.
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